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La liquéfaction du biogaz redonne de l’énergie à la méthanisation à la ferme

De gauche à droite, Alain Guillaume, Servane Lecollin et, sa fille, et Julien, salarié de l'exploitation.

Alors que la rentabilité des méthaniseurs en cogénération est en perte de vitesse, les petites installations, éloignées du réseau, pourraient opter pour la technologie de liquéfaction du biogaz, un biogaz collecté à la ferme… comme du lait. Éleveurs dans les Côtes-d’Armor, Alain Guillaume et sa fille Servane Lecollinet s’apprêtent à en accueillir le premier démonstrateur, porté par la start-up Sublime Energie et l’école Mines Paris-PSL.

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La méthanisation en cogénération fait grise mine. Fragilisée par des coûts de production en hausse et l’arrivée à terme des contrats de renouvellement, la filière se cherche un nouvel avenir. Accessible, notamment pour les installations difficiles à raccorder au réseau, la liquéfaction du biogaz et sa collecte à la ferme devraient ouvrir de nouvelles perspectives à la méthanisation française en complément de l’injection. Selon le cabinet Enea Consulting (aujourd’hui renommé Blunomy), au moins 20 % du potentiel méthanisable est situé trop loin des réseaux pour être valorisé. Les agriculteurs-méthaniseurs français pourraient bénéficier de ce nouveau mode de valorisation représentant un potentiel de 26 TWh d’énergie renouvelable locale en 2050.

Pionnier de la méthanisation en France, Alain Guillaume, éleveur à Plélo dans les Côtes-d’Armor (22), a choisi cette voie pour sortir de la cogénération. « A l’heure actuelle, entre les contrats qui ne seront pas renouvelés, les coûts de maintenance qui plombent les résultats économiques et le coût de rachat de l’électricité insuffisamment indexé sur l’inflation, la rentabilité des installations souffre d’une absence totale de lisibilité », constate cet éleveur de porcs costarmoricain, président-fondateur en son temps de l’association des agriculteurs méthaniseurs de France, aujourd’hui secondé par sa fille, Servane Lecollinet.

La liquéfaction du biogaz : une solution innovante et prometteuse

En 2019, profitant de l’extension de 15 à 20 ans de la durée des contrats d'achat, Alain Guillaume prépare la reconversion de son installation. Le père et la fille s’engagent au côté de la start-up Sublime Energie dans le développement d’une nouvelle voie de valorisation du biogaz, la liquéfaction. Courant 2025, son exploitation sera la première à accueillir un démonstrateur de cette technologie unique au monde, mise au point par la jeune pousse française et l’école Mines Paris-PSL.

Le procédé présente différents avantages. Plus efficace que la simple compression, il densifie le biogaz pour permettre son transport efficace hors réseau. L’opération s’effectue à la ferme grâce à un système installé à proximité du méthaniseur. Aucune modification n’est nécessaire. « On ferme la vanne qui arrive au moteur, on en ouvre une autre vers le système de liquéfaction… et c’est tout », détaille Alain Guillaume.

Un démonstrateur pour tester le dispositif en conditions réelles

La technologie développée par Sublime Energie et l’école Mines Paris-PSL fait intervenir un agent ternaire, ou de portage, qui dissout le CO2 et le méthane contenu dans le biogaz. Le biogaz liquide est ensuite collecté par un camion-citerne. Le mélange est alors acheminé vers un hub, regroupant la production d’une dizaine d’exploitations. C’est là que la séparation des phases a lieu : biométhane d’un côté, valorisé en bioGNL, carburant bas carbone, pour alimenter les flottes de camion ou injecté sur le réseau, bioCO2 de l’autre, livré sous forme liquide à des serristes. « Jusqu’ici, aucun procédé ne permettait de faire cela, reprend Alain Guillaume. C’est entre autres ce qui m’a convaincu dans la technologie Sublime Energie, car il y a beaucoup d’applications pour le biométhane et le bioCO2. »

Si le démonstrateur installé chez Alain Guillaume et Servane Lecollinet vise en premier lieu à tester le dispositif en conditions réelles et éprouver le modèle économique de l’activité, les agriculteurs et leurs partenaires ont déjà la suite en tête. « Dans les territoires d’élevage, la méthanisation doit s’orienter vers des petites unités autonomes, expose Alain Guillaume. L’idée est de fédérer des groupes d’une dizaine d’exploitations équipées de modules de liquéfaction, autour d’une station-service, ou d’un point d’injection, vers lesquels le gaz serait acheminé. »

Le bioGNL, un carburant utilisable à la ferme avec une autonomie renforcée

Ce déploiement devrait s’opérer à partir de 2026 et s’étendre progressivement dans toute la France. L’expérimentation menée par Alain Guillaume doit permettre de tirer un premier bilan économique. « L’objectif, selon lui, est de ne pas descendre en dessous d’un taux de rentabilité interne de 10 %. »

La production de gaz liquéfié intéresse aussi directement l’agriculteur-méthaniseur. Tracteurs de l’exploitation, automoteurs de la Cuma… tous les engins fonctionnant avec du bioGNL peuvent être approvisionnés, avec une autonomie augmentée par rapport au bioGNV compressé. Celui-ci offre une autonomie de quelques heures contre une journée complète de travail avec un carburant issu de méthane liquéfié qui en plus réduit jusqu’à 85 % les émissions de gaz à effets de serre.

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